Denis Mourizard écrivain halieutique, journaliste, concepteur de matériel et excellent pêcheur à écrit un texte que j'approuve à 1000% sur les pêcheurs et les pécheurs


Je viens de palabrer (car il s'agit de palabres) avec un pêcheur dont la critique est dirigée vers mes récents écrits. Je le remercie, la critique fait avancer, du moins elle est censée. Je me permet donc d'écrire, ici, non pas pour lui répondre car manifestement non content de ne rien voir, il n'entend rien. Ce message s'adressera donc à ceux qui sont pourvus d'oreilles et d'yeux, je l'espère.
La pêche est pour moi une passion, depuis toujours. Depuis tout petit donc, je traîne mes guêtres au bord de l'eau, j'entendais les adultes se plaindre, déjà à l'âge de 10 ans, de la surpêche et des conséquences désastreuses de ces pratiques qui nous conduiraient un jour au fond du fond. J'ai grandi là dessus, vous lisez bien : j'ai grandi là dessus... Je suis devenu journaliste, j'ai gagné ma vie en tant que journaliste halieutique (ça peut en gêner certains, mais personnellement je considère avoir eu beaucoup de chance de vivre de ma passion). Une carrière presque pleine, puisque je n'arriverais certainement pas au bout. Pourquoi ? Par manque de combattants. Manque de combattants dans l'eau, mais aussi sur terre. Par manque d'une certaine forme d'intelligence aussi, une intelligence qui peut conduire à comprendre que l'autre n'est pas toujours fautif de la merde dans laquelle on est. La merde n'est pas universelle pour les autres, elle l'est pour tout le monde. A partir du moment où on prélève un animal à la nature, pour une passion, un "sport" ou je ne sais quelle raison de flatter son ego, on fait partie d'un Monde, celui que certains n'ont pas encore vu dans son entièreté. Ce Monde là, il est terminé. Pensez-vous réellement que la nature ne nous a pas déjà envoyé tous les signaux ? Vous pensez que nous allons continuer ainsi encore longtemps ?
Les seuls responsables m'affirme ce monsieur, ce sont les professionnels. Non, les amateurs ne sont pas les responsables. Les bateaux (nombreux, oh oui nombreux) suréquipés, disposant d'une électronique millimétrée que des bateaux professionnels ne possédaient pas il y a 20 ans, la progression technique de notre passion, tout cela n'a pas conduit certains pêcheurs à dépasser les limites. Oh nonnnnn, non non, ça c'est pas vrai. Jamais les pêcheurs amateurs n'ont rempli des poubelles de bars, juvéniles ou pas. Que je l'aie vu personnellement ne touche pas ce monsieur, puisque LUI ne l'a pas vu, je dois donc mentir. Que j'aie vu découper des thons vivants sur des bateaux de pêcheurs "amateurs", ça non plus ça ne le touche pas, puisqu'il ne l'a pas vu. C'est pas grave, le thon est protégé, mais on fera avec, on s'échangera les bagues, hein ? Pour continuer à pêcher, en loose day. Alors la faute à l'autre c'est bien. L'autre, pour une fois il en a une plus grosse, il a un plus gros bateau, il a des bourrins tout plein et consomme grave du gasoil qui pollue plein la planète ! L'autre c'est le méchant, et nous on est que les gentils.
Allo ? Non mais à l'eau quoi !!??? La voie du MILIEU quoi... Reconnaître SA PROPRE responsabilité rend légitime un combat lorsque l'on a su se changer soi-même ! Accuser l'autre sans vouloir se changer, c'est engendrer des guerres d'ego, dont le but n'est autre que de continuer à se satisfaire soi-même ! Je vis de mes écrits depuis 20 ans, et jamais je n'aurais cru en arriver là où j'en suis à l'instant présent, c'est à dire mettre en doute mon avenir dans cette profession. Peut être que cela sera satisfaisant pour certains (je suis ravis de leur être utile), mais ça ne l'est pas pour moi. Ça ne l'est pas parce que la pêche se meurt, la presse, les océans, les mers, les poissons, le commerce, tout se meurt. Mais c'est pas grave, c'est la faute à l'autre. Alors on envoie des photos de poissons tués de la veille avec un joli commentaire "ça c'est la vraie pêche!", en soulignant qu'on en a remis 4 à l'eau. Cher monsieur, je suis comme vous avec vous, je ne crois que ce que je vois...
Comment se donner bonne conscience, en s'empêchant tout simplement d'ouvrir les yeux sur une réalité : depuis 30 ans que les pêcheurs gueulent après les professionnels, non seulement les professionnels n'ont pas arrêté, mais eux-mêmes ont augmenté leurs potentiels de prédation. Le monde amateur s'est il autorégulé ? Oh que nooonnnn. Il a fallu que la LOI les y oblige, et depuis c'est tout le monde les bras en l'air. Il y eut certes quelque tentatives désespérées, de journalistes, de pêcheurs, de sociétés, pour appeler à la raison. Mais il a fallu en passer par la loi. Mais c'est toujours la faute à l'autre.
Alors en conclusion, je l'écris à nouveau ici puisque de l'écrire dans la revue Pêche En Mer apparemment ne suffit pas (c'est vrai il faut lire du papier) : Je considère AUSSI que le monde des professionnels fait n'importe quoi. Je tempère néanmoins, connaissant des professionnels respectueux (ils sont peu, c'est vrai aussi). Je pense que nous avons besoin de professionnels, car la famille qui vite à Paris, qui ne pêche pas, a aussi le droit de manger du poisson qui fera vivre d'autres familles. Je considère AUSSI que les amateurs ne sont pas les UNIQUES responsables de cette situation, mais qu'ils ont UNE PART de responsabilité. Cette situation est le fruit d'un collectif incluant les humains (le mot HUMANITÉ je suis certain qu'il parle à certains), et jusqu'à preuve du contraire, nous en faisons tous partie. Je ne prétend pas changer le Monde. Je dis et j'écris seulement, et depuis près de 20 ans qu'il faut commencer par nettoyer chez soi avant de vouloir aller nettoyer chez les autres (ma première mise en garde sur l'espèce bar remonte à 1996, dans le magasine Pêche En Mer justement). Je dis aussi que les discours nombrilistes maintiennent la situation dans un statu quo permanent depuis des décennies. On refuse de voir l'évidence.
Lorsque je relaie des vidéos d'océans pollués de plastiques (comme beaucoup d'autres le font avant moi), je ne peux que m'attrister du nombre infiniment ridicule de propagations. Ce sont pourtant pas loin d'un millier de pêcheurs qui voient ces publications... OUI. Il suffit d'aller sur mon fil, se rendre compte. Il suffit d'aller un peu au bord de l'eau et de réfléchir un instant pour se rendre compte que la quasi totalité de nos leurres sont aujourd'hui en plastique... Fut une époque, ils étaient en bois. Hors sujet, certainement. Il ne faut pas long pour en arriver à la conclusion que chaque fois que nous laissons un plomb sous l'eau, on pollue... Pollution au plomb. Je rappelle que les tuyauteries en plomb sont interdites depuis bien longtemps maintenant. C'est pas grave, on y est pour rien, c'est la faute à l'autre ! J'ai bien conscience de mes écrits du jour, croyez le bien. Cela fait bien longtemps que je considère me battre pour la cause des amateurs. Le groupe "Pêcheurs de Bars", je l'ai créé avec cette foi, celle-là même qui me faisait penser que les amateurs n'étaient pas ce dont on les accuse. Tant de chemin parcourut depuis, et tant d'autres domaines restent à travailler, comme le surfcasting, ou les pêches aux appâts en général. Je suis lassé ce soir, d'entendre les mêmes discours qui à chaque fois nous font prendre du retard. Ces discours qui divisent au lieu d'UNIR, dans la clairvoyance de ce que l'on est, et surtout de ce que l'on peut devenir. Entretenir un discours désunifiant conduit nos sociétés à devenir ce qu'elles deviennent. La Nature se passera bien de notre permission au moment de nous faire comprendre massivement ce que l'on passe notre temps à refuser de voir, par EGO. Alors seulement nous ne pêcherons plus, parce que nous ne le pourrons plus... Continuons à considérer individuellement que nous avons le droit de prendre, plus que les autres. Ainsi d'autres continueront à s'octroyer à eux-mêmes le droit de nous prendre dans nos poches. Je vais me coucher.
- "Pêcheur", toi qui veut voir l'avenir au travers d'un présent réaliste, je t'aime. Je me battrais de tout mon souffle, pour toi et tes enfants, à tes côtés.
- "Pécheur", toi qui ne voit que ton seul intérêt, fais ce que bon te semble, et oublie moi, n'attends plus de moi que je t'aide.
A bon entendeur.
Salut.

Denis Mourizard